Se positionner et se re-positionner, se présenter, se voir représenté.e, se sentir représenté.e et s’être représenté.e, s’interroger, voir et donner à voir, apprendre à être et en parler… Tous ces verbes – fortement polysémiques parce qu’associés à des attitudes, des gestes et des pensées – impliquent des discours diversifiés concernant l’expérience à l’étranger : des récits ou bribes de récits, des flashs et des clics, des likes qui s’énoncent, s’échangent, s’exhibent dans des espaces privés, entre pairs, ou dans des sphères semi publiques comme les réseaux sociaux. Mais à la classe de langue, à l’institution universitaire, aux commanditaires ayant financé le voyage, l’on réserve des versions doublement « polissées » de ces discours : polissées par le temps qui s’est écoulé d’abord — car l’écriture d’un rapport se fait au moment du retour — et polies car monnayées au sein d’une négociation particulière et hiérarchisée, visant l’octroi d’une note, de crédits ECTS, ou jouant le rôle d’un contre-don.
Dans le cadre d’un projet financé par Movetia – agence suisse pour la promotion des échanges et de la mobilité au sein des systèmes éducatifs suisses et européens – nous avons mis en place des ateliers de formation pour accompagner l’installation d’étudiant.e.s venu.e.s passer un semestre à Fribourg, Lausanne, Neuchâtel ou Genève. Cette formation en ligne sur trois cycles (sept. 2023 – déc. 2025), demande d’apposer des mots sur des images que l’apprenant.e aura construites et choisies. Elle s’articule sur les étapes-clé d’un séjour d’échange : la décision du départ et sa préparation, la phase d’atterrissage et l’installation, le quotidien à l’étranger, la préparation au retour et le retour effectif dans le pays de départ, ou la poursuite du voyage. De ces expériences didactiques et de ces échanges entre les participant.e.s émergent des discours renseignant sur les envies de dire, et de se dire, à soi et aux autres, durant le séjour à l’étranger.
En association à cette recherche de terrain concernant le contexte suisse, nous avons lancé un appel à l’international pour que se concrétise le second objectif du projet : la mutualisation des expériences didactiques et professionnelles, sociales et de recherche, autour des dispositifs novateurs de formation linguistique et socioculturelle des étudiant.e.s en mobilité. Sans considérer que les frontières entre la classe et le monde doivent nécessairement se fluidifier — ce qui amènerait à homogénéiser les discours qui s’y produisent – la question que nous avons poseé est : comment faire pour que l’accompagnement apporté aux étudiant.e.s en mobilité académique — qu’il concerne l’apprentissage de la langue et/ou de la culture cible — s’affranchisse de l’artificialité, de la norme, de la stéréotypie qui le caractérisent encore trop souvent ? En d’autres termes comment les discours multiples produits au sein et autour de l’expérience du voyage — hétérogènes autant dans leurs formats que dans leurs projets idéologiques — puissent être mis au centre des formations ?
C’est à cette question, au croisement de la recherche et de la pratique, que ces deux journées de colloque vont tenter de répondre.